Devise de vie : « Que la peur soit ton moteur »
À seulement 28 ans, Stéphanie a un parcours professionnel impressionnant. Dotée des plus grandes qualités humanistes, elle les met au service des autres avec passion. Portrait d’une jeune femme inspirante.
« J’ai été élevée à Boucherville, une banlieue très homogène de gens de classe moyenne élevée et supérieure. Les gens sont souvent dans le « paraître », mais on ne sait jamais ce qui se passe derrière les murs de leur belle maison. Mes parents se sont séparés alors que j’avais 16 ans et c’était pour le mieux. Une séparation est toujours préférable à des conflits au sein d’un couple.»
À cause de sa réalité à la maison, la jeune Stéphanie se doit de mûrir plus rapidement. À l’école, les enseignants qui sont témoins de sa grande maturité, l’impliquent dans la correction des dictées et lui demandent de s’occuper des plus jeunes au service de garde.
« On me sollicitait et c’était stimulant pour moi, j’adorais m’impliquer auprès des plus jeunes, animer des ateliers et avoir un contact avec eux. Dans un travail scolaire, on m’avait demandé de nommer mes qualités et j’avais écrit « Je suis bonne pour être un être humain ». À cette époque-là, je n’avais pas le vocabulaire pour dire que j’étais empathique, que j’aimais le contact avec les gens et que j’avais un bon sens de l’écoute. Je savais que j’étais une bonne confidente et j’avais un fort sentiment de justice. »
Justement, au primaire, alors qu’une de ses camarades de classe d’origine sénégalaise est victime de racisme de la part de leur enseignante, la jeune Stéphanie l’incite et l’accompagne afin de rapporter ces injustices à la direction. Des mesures sont alors prises envers l’enseignante fautive.
« J’ai longtemps voulu être avocate quand j’étais jeune à cause de mon grand sens de la justice. Je sentais que j’avais la répartie et la grande gueule pour y arriver. Quand j’ai compris que la justice n’était pas vraiment « juste », j’ai vite changé d’avis. »
C’est alors en psychoéducation à l’Université de Montréal, que Stéphanie entreprend ses études universitaires.
« Dès le début de mes études, j’ai commencé à travailler en déficience intellectuelle dans un organisme communautaire. J’ai adoré la clientèle, je me sentais vraiment à ma place. »
Alors qu’elle poursuit sa maîtrise en psychoéducation, ses travaux l’amènent à visiter des familles qui ont un enfant atteint d’autisme. Cette expérience la conduit à publier un premier ouvrage intitulé Laisse-moi t’expliquer l’autisme, parût en 2012 aux Éditions Midi trente. Ce bouquin, qui se veut un « livre-documentaire », est destiné aux enfants d’âge scolaire ainsi qu’aux parents et a pour but de démystifier l’autisme. Cet ouvrage l’a amenée à être finaliste au prix littéraire Hackmatack.
Avec le temps, plusieurs autres ouvrages vont suivre sur les thèmes de l’estime de soi, l’hypersexualisation, les habiletés sociales et un livre pour le réseau des femmes de Chaudières-Appalaches. Elle récolte les honneurs pour plusieurs d’entre eux, dont le prix Égalité 2015 pour son livre sur l’égalité fille-garçon. En 2014, son premier roman adulte intitulé L’Éphémère est lancé. Ce dernier fait de la jeune psychoéducatrice et auteure, la lauréate du grand prix du livre de la Montérégie. Au moment où l’on se parle, Stéphanie planche sur l’écriture de ses prochains ouvrages prévus à paraître prochainement.
« J’ai toujours écrit. Pour moi, c’est nécessaire et vital au même titre que manger et dormir. Être auteure, c’est un rêve que je caressais depuis longtemps. Mes parents voulaient qu’on fasse des études universitaires mon frère et moi. Ils nous ont poussés, mais moi plus jeune je ne me voyais pas aller à l’école longtemps, je me voyais autodidacte. Me concentrer plusieurs années sur un seul sujet d’étude, c’était trop long pour moi. Je voulais écrire. Paradoxalement, j’ai fini par faire une maîtrise, mais j’écris également. Mon rêve ultime, c’est de vivre de ma plume. »
Stéphanie l’avoue, elle a constamment besoin d’être stimulée intellectuellement. Véritable touche à tout, il est difficile pour elle de n’être qu’à un seul endroit professionnellement, elle s’ennuie facilement dans une routine. À 25 ans, Stéphanie est déjà chargée de cours à l’Université de Montréal. Aujourd’hui, dans le cadre de son travail, elle offre des services de pratique privée en psychoéducation, elle travaille à temps partiel pour l’organisme Mira, elle offre des formations, des conférences, des ateliers, du coaching parental… Du côté des communications, elle écrit et collabore à différents médias (radio, télé, journaux) et, depuis un an, elle est chroniqueuse en tant que psychoéducatrice à l’émission Format familial sur les ondes de Télé-Québec
Rappelons qu’elle a seulement 28 ans.

Tout n’est pas tout rose pour la jeune femme douée; en mars 2013, alors qu’elle travaille 80 heures par semaine, elle s’effondre. Diagnostic : Surmenage.
« Ça a été l’élément déclencheur qui m’a amenée à me poser un tas de questions : pourquoi je travaille autant? Pourquoi ai-je autant besoin de m’étourdir? De quoi j’ai peur? Qu’est-ce que je cherche exactement? Qui suis-je réellement? J’ai réalisé que je me définissais uniquement par ce que je faisais. J’étais psychoéducatrice et auteure. Tel était ma définition de moi-même. Je devais donc apprendre à être plutôt qu’à faire, à me définir autrement.Où est la limite entre la passion pour son travail ou l’obsession maladive? Il y a une différence entre quelque chose qui est énergisant et l’autre qui est énergivore.»
Stéphanie admet que le travail en relation d’aide a un certain effet pervers. On s’oublie pour se concentrer sur les problèmes des gens que l’on aide. C’est facile d’être dans le déni de notre souffrance et de nos difficultés quand notre travail consiste à soigner celles des autres.
« Je ne savais pas encore exactement qui j’étais. J’étais toujours l’opposé de ce que je faisais, j’avais l’air d’être en parfait contrôle alors que c’était le chaos total dans ma tête. Je ne me laissais pas le droit de ne pas être parfaite. Je me disais que si je me montrais vulnérable, les gens aux mauvaises intentions allaient en profiter. Je me disais également que l’amour ça se mérite quand on est parfait, pas autrement. »
Le surmenage, c’est ce qui a permis à Stéphanie de se remettre en perspective et à faire du ménage dans toutes les sphères de sa vie. Toutefois, le chemin peut encore être un peu ardu.
« J’ai encore mes moments d’angoisse, de questionnements, de solitude et de craintes en l’avenir. Paradoxalement, je suis une peureuse, mais aussi une grande fonceuse. La peur est omniprésente; j’ai peur de manquer temps, de passer à côté de ma vie, j’ai peur de ne pas tout accomplir… Je suis très axée sur la destination et pas assez sur le chemin. Quand j’arrive à l’aboutissement d’un projet, je me dis « What’s next? ». Je ne vis pas assez le moment, je prends ne pas toujours le temps de me déposer, de savourer et d’apprécier la route. Je dois travailler là-dessus. »
Désormais plus sensibilisée aux troubles de santé mentale, Stéphanie lance un projet avec son amie Julie Philippon. Elles veulent amasser des fonds pour l’organisme Les Impatients. Elles s’embarquent ensemble et montent sur pied une soirée de conférences pour la semaine de la santé mentale. Les visages de la santé mentale, leur projet, se tient en mai 2014 au cabaret du Lion d’Or à Montréal. Des figures connues y sont présentes et font des témoignages inspirants sur leurs propres défis et victoires avec la santé mentale.
« C’était beaucoup de travail et d’organisation, mais un magnifique projet. Je veux être porteuse d’un message, je me sens en mission de devoir communiquer, de sensibiliser, d’informer… J’veux qu’il y ait une portée. Personne n’a le don de réparer qui que ce soit, on est des outils. On peut être des conseillers, des déclencheurs, mais on ne fait pas de magie. Je ne crois pas en les spécialistes, je ne suis pas une spécialiste, je suis un être humain qui a une facilité avec les autres êtres humains. Ma job, c’est d’être ouverte, humaine et authentique pour générer ces mêmes qualités. Les gens cherchent d’abord notre empathie, bien plus que notre savoir-faire. »
Avec tous ses accomplissements, on serait porté à croire que la confiance en soi de Stéphanie est inébranlable. Modeste, elle admet plutôt qu’elle élargit sa zone de confort qui s’agrandit au fil des réussites.
« Mon moteur, c’est ma peur, pas la confiance en moi. »

À 26 ans, suite à son surmenage, Stéphanie reçoit un diagnostic de TDAH (trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité). Également, elle se sépare de son amoureux des six dernières années avec qui elle venait d’acheter une copropriété.
« Cette relation me permettait un certain équilibre, mais ça me rappelle les paroles d’une chanson de Salomé Leclerc : « Je te montrerai comment on garde l’équilibre en se balançant ». L’équilibre c’est pas un état statique. Si tu es en équilibre, c’est que t’es en mouvement. Nous, nous étions immobiles. On s’est séparé, sans drame, sans haine. »
Aujourd’hui, Stéphanie est en couple et amoureuse de Rodrigo, qui est papa d’un garçon autiste. Ils habitent maintenant tous ensemble.
« On s’est choisi tous les deux. On se ressemble, on connecte. C’est la première fois que je me laisse le droit d’être autant amoureuse, de me donner le droit d’être vulnérable. »
Aujourd’hui, Stéphanie se sent plus fidèle à elle-même grâce au ménage et aux mises au point que lui a permis de faire le surmenage dont elle a souffert.
Comme tous les autres humains, Stéphanie n’est pas parfaite et elle l’assume enfin. N’empêche, on ne peut qu’affirmer que c’est vrai, qu’elle est «bonne pour être un être humain ».
————
Crédits photos : Rodrigo A. Gutierrez et album personnel de Stéphanie.
Pour visionner sa conférence « La résilience se trouve dans les livres » donnée à TEDx Québec: https://www.youtube.com/watch?v=AlPRz6E9vMk
Pour plus d’informations sur les services de Stéphanie, pour la suivre ou pour mieux la connaître : http://ensemblemaintenant.com/
Sur Facebook : https://www.facebook.com/pages/Ensemble-maintenant-Le-blogue-et-les-services-psycho%C3%A9ducatifs/180731061952575